La tolérance sociale peut être restaurée chez les araignées agressives après la mue.

Dans de nombreux taxons, la voie subsociale est considérée comme la voie principale vers la socialité permanente mais la contribution relative des interactions entre les juvéniles et des soins parentaux dans le maintien de la cohésion et de la tolérance sociale à des stades de développement avancé reste mal étudiée.

Les araignées sont des modèles pertinents pour aborder cette question car elles présentent toutes une phase grégaire transitoire avant la dispersion. En outre, la transition vers la socialité permanente, qui concerne environ 20 des ∼50 000 espèces, est supposée dériver de la voie subsociale.

En utilisant des araignées de l’espèce solitaire Agelena labyrinthica, nous avons manipulé le contexte social pour démontrer que la tolérance chez les juvéniles agressifs peut être restaurée lorsqu’ils sont exposés à des congénères après la mue. Ceci suggère que la mue pourrait rouvrir des périodes critiques fermées et renouveler l’imprégnation aux signaux sociaux pour conduire à la ré-acquisition de la tolérance. Notre étude met en évidence le rôle critique des contacts entre juvéniles dans l’expression de la tolérance ce qui ouvre de nouvelles voies pour comprendre les transitions sociales.

Référence :

Social recapitulation: moulting can restore social tolerance in aggressive spiderlings.

Emilie Mauduit, Raphaël Jeanson

J Exp Biol (2023) 226 (7): jeb245387. https://doi.org/10.1242/jeb.245387

 

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Chez le blob, le vieillissement pourrait être réversible !

© David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNRS

Ils révèlent qu’un blob âgé peut se comporter comme un blob jeune après une période dormance ou suite à une fusion avec un blob jeune.

L’effet de l’âge sur le comportement des organismes unicellulaire est une question peu étudiée. Nous avons d’ailleurs longtemps pensé que les organismes unicellulaires étaient insensibles au vieillissement. Depuis peu, il a été démontré que certains organismes unicellulaires, tels que les bactéries, les paramécies et les levures subissent des changements intrinsèques au fil du temps qui affectent leur comportement et leur physiologie.

Dans cette étude publiée dans une édition spéciale de la revue Philosophical Transaction of the Royal Society, les scientifiques ont étudié comment le comportement de Physarum polycephalum, surnommé blob, varie au cours du temps.

En haut : vitesse de déplacement des blobs en fonction de l’âge. Six groupes de blobs de différents âges (1, 17, 32, 54, 74 et 94 semaines) ont été utilisés pour réaliser cette expérience. Les substrats étaient constitués de gel d’avoine. En bas : Vitesse de déplacement des blobs avant et après la fusion d’un blob âgé et d’un blob jeune. Les substrats étaient constitués de gel d’avoine. © Audrey Dussutour CBI / CNRS

Référence

Behavioural changes in slime moulds over time

A. Rolland, E. Pasquier, P. Malvezin, C. Craig, M. Dumas et A. Dussutour

Philosophical Transactions of the Royal Society B le 20 février 2023. DOI:https://doi.org/10.1098/rstb.2022.0063

Plus d’information

https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/chez-le-blob-le-vieillissement-pourrait-etre-reversible

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Audrey Dussutour

 

Le partage des ressources est suffisant pour l’émergence de la division du travail

La division du travail s’observe chez un grand nombre d’organismes. Toutefois, la façon dont la division du travail émerge en l’absence de différences interindividuelles préexistantes reste mal comprise.

À l’aide d’un modèle simple, nous montrons que dans un groupe d’individus initialement identiques, la division du travail émerge spontanément si les fourrageurs partagent une partie de leurs ressources avec les autres membres du groupe. En l’absence de partage des ressources, les individus alternent entre la recherche de nourriture et d’autres tâches. Si les individus qui ne fourragent pas sont nourris par leurs congénères, l’alternance des activités cesse, ce qui entraîne une spécialisation des tâches et l’émergence de la division du travail. En outre, les différences nutritionnelles entre les individus renforcent la division du travail. Ces différences peuvent être causées par des taux métaboliques plus élevés pendant la recherche de nourriture ou par des interactions de dominance pendant le partage des ressources.

Notre modèle propose un mécanisme plausible pour l’émergence auto-organisée de la division du travail dans les groupes d’animaux composés d’individus initialement identiques. Ce mécanisme simple pourrait également jouer un rôle dans l’émergence de la division du travail lors des transitions évolutives majeures vers l’eusocialité et la multicellularité.

Reference :

Kreider, J.J., Janzen, T., Bernadou, A. et al.

Resource sharing is sufficient for the emergence of division of labour.

Nat Commun 13, 7232 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-35038-2

Contact :

Abel BERNADOU

Comment se forment des files de moutons?

Les règles comportementales explorées entre paires d’individus dans des groupes de 2, 3 et 4 brebis sont les suivantes: je m’aligne (V), je m’oriente (attraction simple P) ou une combinaison des deux (V+P). Sur la base de données empiriques et d’exploration mathématique, trois modèles de réseaux d’interaction ont été testés: tout le monde interagit avec tout le monde (IN1); un individu est influencé par tous ceux qui le précèdent (IN2); un individu est influencé seulement par le plus proche qui le précède (IN3). Tous les individus peuvent devenir le leader d’un déplacement collectif et le restent jusqu’à ce qu’il cesse. Nos analyses suggèrent que le meilleur scénario est le suivant: lorsqu’un leader se déplace, ses congénères se mettraient rapidement à marcher dans la direction (règle V) uniquement du seul individu qui le précède (IN3).

Figure extraite de l’article de Gómez-Nava, Bon et Peruani. 2022. (doi.org/10.1038/s41567-022-01769-8). (a) Photo d’un grand groupe de moutons en alpage. (b) Une image d’une simulation de déplacement de 40 moutons sur la base du modèle le plus pertinent. Le leader: rond gris foncé et son déplacement par la flèche. (c) Schéma du réseau d’interactions dans un groupe de 13 individus, sur la base du modèle IN3. L’influence (flèche) descend en cascade dans un réseau hiérachisé, les individus étant représentés par un cercle.

Référence

Gómez-Nava, L., Bon, R. & Peruani, F.
Intermittent collective motion in sheep results from alternating the role of leader and follower.
Nat. Phys. (2022). https://doi.org/10.1038/s41567-022-01769-8

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Richard BON

Dans le choix d’un partenaire sexuel, les mouches drosophiles femelles copient l’acceptation d’un partenaire, mais pas le rejet

L’acceptation et le rejet peuvent être transmis socialement, particulièrement dans le cas du choix d’un partenaire sexuel.

Chez la mouche « Drosophila melanogaster », lorsqu’une femelle « observatrice » est placée dans la situation d’observer une autre femelle (appelée femelle démonstratrice) qui parmi deux mâles choisit de s’accoupler avec un mâle de phénotype A plutôt qu’un mâle de phénotype B, cette observatrice peut mémoriser cet accouplement et tendre à s’accoupler avec le phénotype A d’un autre mâle, un processus nommé « copie du choix de partenaire ». Deux hypothèses explicatives de ce choix de la part de la femelle observatrice sont possibles : l’a-t-elle choisi parce que la démonstratrice a rejeté le mâle de phénotype B (interprété comme un stimulus négatif) ou l’a-t-elle choisi parce que la démonstratrice a choisi le mâle de phénotype A (interprété comme positif) ?

En développant des protocoles où seul un type de d’information est donné à la fois, nous montrons que l’observatrice choisit le phénotype A d’un autre mâle parce qu’elle l’a interprété comme un stimulus positif, mais pas qu’elle rejette le phénotype B d’un autre mâle car elle l’a interprété comme un stimulus négatif lors de l’observation du choix de la démonstratrice. Ces résultats impliquent que les mécanismes d’apprentissage sociaux sous-jacents peuvent être partagés avec ceux de la mémoire appétitive (positif) dans un apprentissage associatif non social.

Consécutivement à une observation d’une femelle observatrice pour une copulation d’une femelle démonstratrice avec un vert, une femelle copule avec le mâle vert non parce qu’elle rejette le rose, mais parce qu’elle choisit le vert. Photo de David Villa ScienceImage CBI CNRS

Reference

Nöbel S., Monier M., Fargeot L., Lespagnol G., Danchin E., Isabel G.

Female fruit flies copy the acceptance, but not the rejection, of a mate.

Behavioral Ecology, 2022 Aug.

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Guillaume ISABEL

L’insuline module les comportements émotionnels via un mécanisme dépendant de la sérotonine

Chez la souris, l’injection d’insuline diminue le niveau d’anxiéte via une modulation de l’activité de cette population neuronale. Au contraire, chez des souris nourries avec un régime de type « High Fat Diet », les neurones sérotoninergiques deviennent résistants à l’insuline et les effets bénéfiques comportementaux de cette hormone disparaissent.

Ce travail offre des perspectives intéressantes et notamment le repositionnement des antidiabétiques oraux -qui améliorent la sensibilité à l’insuline- dans les traitements des épisodes anxio-dépressifs.

Extrait de la figure 1 de l’article de Martin, Bullich et al., 2022 (doi: 10.1038/s41380-022-01812-3). Identification de la présence du récepteur à l’insuline sur les neurones sérotoninergiques du noyau dorsal du raphé. Images de microscopie confocales représentant les neurones sérotoninergiques en rouges (cellules TPH2 positives) et l’ARNm du récepteur à l’insuline (points verts) détecté par fluorescence après hybridation in situ. Le panel de droite (à fort grossissement) signale le co-marquage (triangles blancs) illustrant la présence du récepteur à l’insuline sur les neurones sérotoninergiques.

Reference

Martin H, Bullich S, Martinat M, Chataigner M, Di Miceli M, Simon V, Clark S, Butler J, Schell M, Chopra S, Chaouloff F, Kleinridders A, Cota D, De Deurwaerdere P, Pénicaud L, Layé S, Guiard BP, Fioramonti X
Insulin modulates emotional behavior through a serotonin-dependent mechanism.
Mol Psychiatry. 2022 Oct 7. doi: 10.1038/s41380-022-01812-3

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Bruno GUIARD

 

Remanier l’hippocampe permet aux souris Alzheimer de retrouver la mémoire des autres

© Laure Verret, CRCA-CBI

L’aire CA2 de l’hippocampe est une structure cérébrale nécessaire à la mémoire sociale, fonction profondément altérée dans la maladie d’Alzheimer. Cette étude, publié dans la revue iScience, montre que des souris modèles d’Alzheimer sont incapables de se souvenir d’une congénère, et que ceci est associé à des anomalies anatomiques et fonctionnelles de CA2. Cependant, une seule injection de la protéine NRG1 dans CA2 permet aux souris Alzheimer de retrouver une mémoire sociale.

Parmi les troubles cognitifs des patients et des patientes atteintes par la maladie d’Alzheimer, l’affection de la mémoire sociale, c’est-à-dire l’incapacité à mémoriser les personnes qu’elles rencontrent ou qu’elles ont connues dans le passé, est sans doute l’une des plus difficiles à vivre, tant pour les patients que pour leur entourage. Cependant, les mécanismes neuronaux qui sont à l’origine de la mémoire sociale demeurent peu connus.

Lire la suite sur le site de l’INSB

Reference

Altered inhibitory function in hippocampal CA2 contributes in social memory deficits in Alzheimer’s mouse model.
Rey CC, Robert V, Bouisset G, Loisy M, Lopez S, Cattaud V, Lejards C, Piskorowski RA, Rampon C, Chevaleyre V, Verret L.
iScience. 24 février 2022. doi: 10.1016/j.isci.2022.103895.

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Laure Verret

Un neuropeptide-clé pour la motivation alimentaire et l’apprentissage des abeilles

© Martin Giurfa & Gabriela de Brito Sanchez

En effet, des abeilles butineuses dont les niveaux internes de sNPF sont augmentés artificiellement montrent non seulement une appétence accrue pour la solution sucrée mais apprennent et mémorisent mieux des couleurs associées à cette récompense alimentaire. L’augmentation de sNPF change même la conduite des individus rassasiés qui se comportent alors comme s’ils étaient affamés, prouvant ainsi le rôle majeur de ce neuropeptide dans la motivation alimentaire des abeilles.

Ces résultats sont publiés dans les revues iScience et Biology Letters.

Lire la suite sur le site de l’INSB

 

Références :

The short neuropeptide F regulates appetitive but not aversive responsiveness in a social insect.
Bestea L, Paoli M, Arrufat P, Ronsin B, Carcaud J, Sandoz JC, Velarde R, Giurfa M, de Brito Sanchez MG.
iScience. 11 décembre 2021. doi: 10.1016/j.isci.2021.103619.

The short neuropeptide F (sNPF) promotes the formation of appetitive visual memories in honey bees.
Bestea L, Briard E, Carcaud J, Sandoz JC, Velarde R, Giurfa M, de Brito Sanchez MG.
Biol Lett. 18 février 2022. doi: 10.1098/rsbl.2021.0520

Le CO2, un indice social favorisant l’expression de la mémoire chez la drosophile

© David Villa / Guillaume Isabel

Dans cette étude publiée dans la revue Current Biology, les scientifiques montrent que le CO2 libéré par des mouches drosophile dans un groupe recrute une mémoire cryptique de longue durée, qui s’ajoute à la mémoire individuelle existante.

Ils identifient le réseau neuronal qui sous-tend cette mémoire dépendante du CO2 et suggèrent que des variations naturelles de CO2 peuvent moduler les processus cognitifs chez les insectes.

L’animal présente l’aptitude d’établir des liens associatifs entre des événements distincts, ou entre son propre comportement et ses conséquences directes. Face à un environnement aux sources d’information changeantes et complexes, l’animal peut ainsi adapter rapidement son comportement en intégrant ses expériences passées, optimisant ainsi la qualité de sa prise de décision. Les interactions entre animaux constituent une source importante d’information. La contribution des interactions sociales dans l’acquisition de nouvelles informations a ainsi beaucoup attiré l’attention. Cependant, l’influence du contexte social sur la restitution d’une information préalablement acquise est encore peu connue.

Lire la suite sur le site l’INSB

 

Reference :

Social facilitation of long-lasting memory is mediated by CO2 in Drosophila.

Muria A, Musso PY, Durrieu M, Portugal FR, Ronsin B, Gordon MD, Jeanson R, Isabel G.

Curr Biol. 2021 Mar 12. doi: 10.1016/j.cub.2021.02.044

Contact :

Guillaume ISABEL

 

La pollution au plomb, même à très faible dose, nuit à l’apprentissage des abeilles

© Coline Monchanin

Depuis une trentaine d’années, les produits agrochimiques ont été identifiés comme des causes importantes du déclin des pollinisateurs. Cependant, les impacts d’autres polluants également très répandus, comme les métaux lourds, ont reçu beaucoup moins d’attention. Ces composés métalliques sont naturellement présents dans l’environnement mais leur utilisation dans l’industrie, l’agriculture et les applications domestiques ont considérablement élevé leurs concentrations dans le sol, l’eau, l’atmosphère et les plantes. Le plomb est particulièrement préoccupant à l’échelle mondiale et soulève de nombreuses questions de santé publique liées au saturnisme et certains cancers. Malgré l’omniprésence des métaux lourds dans l’environnement, nous ne connaissons rien (ou presque) de leurs effets sur les insectes pollinisateurs.

Pour tester ces effets potentiels, les chercheurs ont nourri des ruches d’abeilles domestiques avec du nectar contenant du plomb à des concentrations faibles (inférieures aux seuils réglementaires européens pour l’environnement) pendant 10 semaines.

Lire la suite sur le site de l’INSB

 

Reference :

Chronic exposure to trace lead impairs honey bee learning.

Monchanin C, Blanc-Brude A, Drujont E, Negahi MM, Pasquaretta C, Silvestre J, Baqué D, Elger A, Barron AB, Devaud JM, Lihoreau M.

Ecotoxicol Environ Saf. 2021 Apr 1;212:112008. doi: 10.1016/j.ecoenv.2021.112008. 

Contacts :

Coline MONCHANIN

Mathieu LIHOREAU