La dopamine permet de sélectionner les évènements à mémoriser

Dans le cerveau, les neurones sont capables de modifier leurs connexions entre eux en fonction de l’expérience. Lorsque cette plasticité synaptique se produit dans la région de l’hippocampe cela permet l’apprentissage et la mémoire. Les neurosciences en ont bien décrit les mécanismes mais ce qui permet de sélectionner les événements à mémoriser restait jusque-là inconnu.

Des travaux menés par Lionel Dahan, Fares Sayegh et leurs collaborateurs, Lionel Mouledous, Catherine Macri, Juliana Pi Macedo, Camille Lejards, Claire Rampon et Laure Verret (CRCA-CBI), démontrent que les neurones à dopamine sont à l’origine du déclenchement de la formation de la mémoire.

Cette étude a été publiée dans Nature Communications le 21 mai.

Reference:

Ventral Tegmental Area dopamine projections to the hippocampus trigger long-term potentiation and contextual learning

Fares Sayegh, Lionel Mouledous, Catherine Macri, Juliana Pi Macedo, Camille Lejards, Claire Rampon, Laure Verret, Lionel Dahan

Nature Communications, mai 2024

En savoir plus :

Contact :

Lionel Dahan

La pollution aux métaux lourds affecte la santé cognitive des abeilles

Coline Monchanin, Erwann Drujont, Jean-Marc Devaud et Mathieu Lihoreau (CRCA-CBI) et leurs collaborateurs, ont publié une étude qui montre l’impact des pollutions en métaux lourds sur la santé des abeilles, essentielles pour le bon fonctionnement des écosystèmes.

Reference

Monchanin C, Drujont E, Le Roux G, Lösel PD, Barron AB, Devaud JM, Elger A, Lihoreau M.

Environmental exposure to metallic pollution impairs honey bee brain development and cognition.

J Hazard Mater. 2024 Mar 5;465:133218. doi: 10.1016/j.jhazmat.2023.133218. Epub 2023 Dec 14.

© Coline Monchanin

Automédication collective chez les fourmis.

La nutrition est un facteur majeur qui influence les interactions hôte-parasite. En effet, les animaux peuvent lutter contre les parasites en modifiant leur choix alimentaire pour renforcer leur système immunitaire et les parasites en contrepartie peuvent manipuler les choix alimentaires de leur hôte pour obtenir les nutriments essentiels à leur multiplication.

Dans cette étude,  Eniko Csata, Alfonso Pérez-Escudero, Emmanuel Laury, Gérard Latil et Audrey Dussutour (CRCA-CBI) et leurs collaborateurs ont étudié le rôle de la nutrition dans le système hôte-parasite : la fourmi d’Argentine (Linepithema humile) et le champignon entomopathogène (Metarhizium brunneum), et publient des résultats qui révèlent que la modification des choix alimentaires observée chez des fourmis infectées par le champignon, n’est pas dictée par le parasite, mais par une forme d’automédication collective.

Communiqué de presse de CNRS Biologie : https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/automedication-collective-chez-les-fourmis

Champignon sur le régime optimal riche en acides aminés (en haut à gauche), fourmis non infectées choisissant un régime riche en sucre (en haut à droite), fourmis infectées choisissant le régime optimal du champignon riche en acides aminés (au centre), fourmi injectée avec des cellules de champignon inerte (en bas à droite).

Référence :

Csata E, Pérez-Escudero A, Laury E, Leitner H, Latil G, Heinze J, Simpson SJ, Cremer S, DussutourA.

Fungal infection alters collective nutritional intake of ant colonies

Current Biology. :February 01, 2024. DOI: https://doi.org/10.1016/j.cub.2024.01.017

 

 Contact : Audrey Dussutour

Comment les traces digitales favorisent la coopération ou la tromperie dans les groupes humains?

Au cours des trente dernières années, la digitalisation de la société a profondément modifiée les modes de vie et de communication. Les informations échangées entre les individus adoptent de manière croissante la forme de traces digitales qui sont largement exploitées par les réseaux sociaux et le commerce en ligne sur Internet notamment à travers l'utilisation de systèmes de notation et de recommandation qui permettent aux utilisateurs de découvrir de nouvelles options ou de guider leurs choix.

Des chercheurs du Centre de Recherches sur la Cognition Animale, du Laboratoire de Physique Théorique et de la Toulouse School of Economics ont étudié comment et sous quelles conditions des traces digitales pouvaient permettre à des groupes d'individus de coopérer dans une tâche de recherche d'information et quelle était la fiabilité des informations contenues dans ces traces. Les chercheurs ont analysé puis modélisé les comportements individuels de marquage et d'utilisation de traces digitales grâce à une application web interactive intégrant un système de notation similaire à celui utilisé par de nombreuses plateformes de commerce en ligne.

Les résultats publiés dans PNAS montrent que des groupes d'individus peuvent spontanément et sans concertation utiliser les traces digitales résultant de leurs notations pour coordonner leur recherche et trouver collectivement les cases dont les valeurs sont les plus élevées dans un tableau de nombres masqués. Cependant, ces travaux ont également révélés que dans des situations concurrentielles, l'utilisation de traces digitales favorise au contraire la tromperie car une large proportion d'individus diminue alors la fiabilité de l'information contenue dans les traces qu'ils déposent.

Lire le communiqué de presse du CNRS

Figures 1 & 2. Dispositif expérimental constitué d'un réseau d'ordinateurs, utilisé pour l'étude de l'impact des traces digitales sur les comportements de recherche collective d'information dans les groupes humains.

Figures 3 & 4. Application web interactive utilisée par les participants au cours de l'expérience. Cette application permet à des groupes de sujets d'explorer indépendamment par l'intermédiaire d'une interface graphique le même tableau de nombres et de pouvoir interagir indirectement à travers des traces

Référence

Bassanetti, T., Escobedo, R., Cezera, S., Blanchet, A., Sire, C. & Theraulaz, G.

Cooperation and deception through stigmergic interactions in human groups.

Proceedings of The National Academy of Sciences USA

October 10, 2023, 120 (42) e2307880120, https://doi.org/10.1073/pnas.2307880120

 

Contact chercheurs

  • Pour l’Institut des Sciences Biologiques :

Guy Theraulaz

Centre de Recherches sur la Cognition Animale (CRCA), Centre de Biologie Intégrative (CBI)

& Institute for Advanced Study in Toulouse (IAST)

Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)

Université de Toulouse (Paul Sabatier)

31062 Toulouse, France

  • Pour l’Institut de Physique :

Clément Sire

Laboratoire de Physique Théorique

Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)

Université de Toulouse (Paul Sabatier)

31062 Toulouse, France

 

La tolérance sociale peut être restaurée chez les araignées agressives après la mue.

Dans de nombreux taxons, la voie subsociale est considérée comme la voie principale vers la socialité permanente mais la contribution relative des interactions entre les juvéniles et des soins parentaux dans le maintien de la cohésion et de la tolérance sociale à des stades de développement avancé reste mal étudiée.

Les araignées sont des modèles pertinents pour aborder cette question car elles présentent toutes une phase grégaire transitoire avant la dispersion. En outre, la transition vers la socialité permanente, qui concerne environ 20 des ∼50 000 espèces, est supposée dériver de la voie subsociale.

En utilisant des araignées de l’espèce solitaire Agelena labyrinthica, nous avons manipulé le contexte social pour démontrer que la tolérance chez les juvéniles agressifs peut être restaurée lorsqu’ils sont exposés à des congénères après la mue. Ceci suggère que la mue pourrait rouvrir des périodes critiques fermées et renouveler l’imprégnation aux signaux sociaux pour conduire à la ré-acquisition de la tolérance. Notre étude met en évidence le rôle critique des contacts entre juvéniles dans l’expression de la tolérance ce qui ouvre de nouvelles voies pour comprendre les transitions sociales.

Référence :

Social recapitulation: moulting can restore social tolerance in aggressive spiderlings.

Emilie Mauduit, Raphaël Jeanson

J Exp Biol (2023) 226 (7): jeb245387. https://doi.org/10.1242/jeb.245387

 

Contacts

 

Chez le blob, le vieillissement pourrait être réversible !

© David VILLA / ScienceImage, CBI / CRCA / CNRS

Ils révèlent qu’un blob âgé peut se comporter comme un blob jeune après une période dormance ou suite à une fusion avec un blob jeune.

L’effet de l’âge sur le comportement des organismes unicellulaire est une question peu étudiée. Nous avons d’ailleurs longtemps pensé que les organismes unicellulaires étaient insensibles au vieillissement. Depuis peu, il a été démontré que certains organismes unicellulaires, tels que les bactéries, les paramécies et les levures subissent des changements intrinsèques au fil du temps qui affectent leur comportement et leur physiologie.

Dans cette étude publiée dans une édition spéciale de la revue Philosophical Transaction of the Royal Society, les scientifiques ont étudié comment le comportement de Physarum polycephalum, surnommé blob, varie au cours du temps.

En haut : vitesse de déplacement des blobs en fonction de l’âge. Six groupes de blobs de différents âges (1, 17, 32, 54, 74 et 94 semaines) ont été utilisés pour réaliser cette expérience. Les substrats étaient constitués de gel d’avoine. En bas : Vitesse de déplacement des blobs avant et après la fusion d’un blob âgé et d’un blob jeune. Les substrats étaient constitués de gel d’avoine. © Audrey Dussutour CBI / CNRS

Référence

Behavioural changes in slime moulds over time

A. Rolland, E. Pasquier, P. Malvezin, C. Craig, M. Dumas et A. Dussutour

Philosophical Transactions of the Royal Society B le 20 février 2023. DOI:https://doi.org/10.1098/rstb.2022.0063

Plus d’information

https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/chez-le-blob-le-vieillissement-pourrait-etre-reversible

Contact

Audrey Dussutour

 

Le partage des ressources est suffisant pour l’émergence de la division du travail

La division du travail s’observe chez un grand nombre d’organismes. Toutefois, la façon dont la division du travail émerge en l’absence de différences interindividuelles préexistantes reste mal comprise.

À l’aide d’un modèle simple, nous montrons que dans un groupe d’individus initialement identiques, la division du travail émerge spontanément si les fourrageurs partagent une partie de leurs ressources avec les autres membres du groupe. En l’absence de partage des ressources, les individus alternent entre la recherche de nourriture et d’autres tâches. Si les individus qui ne fourragent pas sont nourris par leurs congénères, l’alternance des activités cesse, ce qui entraîne une spécialisation des tâches et l’émergence de la division du travail. En outre, les différences nutritionnelles entre les individus renforcent la division du travail. Ces différences peuvent être causées par des taux métaboliques plus élevés pendant la recherche de nourriture ou par des interactions de dominance pendant le partage des ressources.

Notre modèle propose un mécanisme plausible pour l’émergence auto-organisée de la division du travail dans les groupes d’animaux composés d’individus initialement identiques. Ce mécanisme simple pourrait également jouer un rôle dans l’émergence de la division du travail lors des transitions évolutives majeures vers l’eusocialité et la multicellularité.

Reference :

Kreider, J.J., Janzen, T., Bernadou, A. et al.

Resource sharing is sufficient for the emergence of division of labour.

Nat Commun 13, 7232 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-35038-2

Contact :

Abel BERNADOU

Comment se forment des files de moutons?

Les règles comportementales explorées entre paires d’individus dans des groupes de 2, 3 et 4 brebis sont les suivantes: je m’aligne (V), je m’oriente (attraction simple P) ou une combinaison des deux (V+P). Sur la base de données empiriques et d’exploration mathématique, trois modèles de réseaux d’interaction ont été testés: tout le monde interagit avec tout le monde (IN1); un individu est influencé par tous ceux qui le précèdent (IN2); un individu est influencé seulement par le plus proche qui le précède (IN3). Tous les individus peuvent devenir le leader d’un déplacement collectif et le restent jusqu’à ce qu’il cesse. Nos analyses suggèrent que le meilleur scénario est le suivant: lorsqu’un leader se déplace, ses congénères se mettraient rapidement à marcher dans la direction (règle V) uniquement du seul individu qui le précède (IN3).

Figure extraite de l’article de Gómez-Nava, Bon et Peruani. 2022. (doi.org/10.1038/s41567-022-01769-8). (a) Photo d’un grand groupe de moutons en alpage. (b) Une image d’une simulation de déplacement de 40 moutons sur la base du modèle le plus pertinent. Le leader: rond gris foncé et son déplacement par la flèche. (c) Schéma du réseau d’interactions dans un groupe de 13 individus, sur la base du modèle IN3. L’influence (flèche) descend en cascade dans un réseau hiérachisé, les individus étant représentés par un cercle.

Référence

Gómez-Nava, L., Bon, R. & Peruani, F.
Intermittent collective motion in sheep results from alternating the role of leader and follower.
Nat. Phys. (2022). https://doi.org/10.1038/s41567-022-01769-8

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Richard BON

Dans le choix d’un partenaire sexuel, les mouches drosophiles femelles copient l’acceptation d’un partenaire, mais pas le rejet

L’acceptation et le rejet peuvent être transmis socialement, particulièrement dans le cas du choix d’un partenaire sexuel.

Chez la mouche « Drosophila melanogaster », lorsqu’une femelle « observatrice » est placée dans la situation d’observer une autre femelle (appelée femelle démonstratrice) qui parmi deux mâles choisit de s’accoupler avec un mâle de phénotype A plutôt qu’un mâle de phénotype B, cette observatrice peut mémoriser cet accouplement et tendre à s’accoupler avec le phénotype A d’un autre mâle, un processus nommé « copie du choix de partenaire ». Deux hypothèses explicatives de ce choix de la part de la femelle observatrice sont possibles : l’a-t-elle choisi parce que la démonstratrice a rejeté le mâle de phénotype B (interprété comme un stimulus négatif) ou l’a-t-elle choisi parce que la démonstratrice a choisi le mâle de phénotype A (interprété comme positif) ?

En développant des protocoles où seul un type de d’information est donné à la fois, nous montrons que l’observatrice choisit le phénotype A d’un autre mâle parce qu’elle l’a interprété comme un stimulus positif, mais pas qu’elle rejette le phénotype B d’un autre mâle car elle l’a interprété comme un stimulus négatif lors de l’observation du choix de la démonstratrice. Ces résultats impliquent que les mécanismes d’apprentissage sociaux sous-jacents peuvent être partagés avec ceux de la mémoire appétitive (positif) dans un apprentissage associatif non social.

Consécutivement à une observation d’une femelle observatrice pour une copulation d’une femelle démonstratrice avec un vert, une femelle copule avec le mâle vert non parce qu’elle rejette le rose, mais parce qu’elle choisit le vert. Photo de David Villa ScienceImage CBI CNRS

Reference

Nöbel S., Monier M., Fargeot L., Lespagnol G., Danchin E., Isabel G.

Female fruit flies copy the acceptance, but not the rejection, of a mate.

Behavioral Ecology, 2022 Aug.

Contact

Guillaume ISABEL

L’insuline module les comportements émotionnels via un mécanisme dépendant de la sérotonine

Chez la souris, l’injection d’insuline diminue le niveau d’anxiéte via une modulation de l’activité de cette population neuronale. Au contraire, chez des souris nourries avec un régime de type « High Fat Diet », les neurones sérotoninergiques deviennent résistants à l’insuline et les effets bénéfiques comportementaux de cette hormone disparaissent.

Ce travail offre des perspectives intéressantes et notamment le repositionnement des antidiabétiques oraux -qui améliorent la sensibilité à l’insuline- dans les traitements des épisodes anxio-dépressifs.

Extrait de la figure 1 de l’article de Martin, Bullich et al., 2022 (doi: 10.1038/s41380-022-01812-3). Identification de la présence du récepteur à l’insuline sur les neurones sérotoninergiques du noyau dorsal du raphé. Images de microscopie confocales représentant les neurones sérotoninergiques en rouges (cellules TPH2 positives) et l’ARNm du récepteur à l’insuline (points verts) détecté par fluorescence après hybridation in situ. Le panel de droite (à fort grossissement) signale le co-marquage (triangles blancs) illustrant la présence du récepteur à l’insuline sur les neurones sérotoninergiques.

Reference

Martin H, Bullich S, Martinat M, Chataigner M, Di Miceli M, Simon V, Clark S, Butler J, Schell M, Chopra S, Chaouloff F, Kleinridders A, Cota D, De Deurwaerdere P, Pénicaud L, Layé S, Guiard BP, Fioramonti X
Insulin modulates emotional behavior through a serotonin-dependent mechanism.
Mol Psychiatry. 2022 Oct 7. doi: 10.1038/s41380-022-01812-3

Contact

Bruno GUIARD