28 septembre 2022

Haiyang GENG – Soutenance de thèse

"Analyses moléculaires du traitement et de l'apprentissage visuels chez les abeilles mellifères"

Présentation en anglais

Encadrement : Isabelle Massou et Martin Giurfa

Jury :

  • M. Claudio LAZZARI (Université de Tours)  Rapporteur
  • Mme Emmanuelle JACQUIN-JOLY (INRAE iEES – Paris)Rapporteure
  • M. Cédric ALAUX (INRAE Avignon)Examinateur
  • Mme Isabelle MASSOU (Research Centre of Animal Cognition)Co-directrice de thèse
  • M. Martin GIURFA (Research Centre of Animal Cognition)Co-directeur de thèse

Résumé :

La capacité de vision en couleurs des abeilles mellifères repose sur l’existence de trois types de photorécepteurs dans leur rétine dont la sensibilité maximale dans les domaines de l’ultraviolet, bleu et vert est conférée par trois types d’opsines localisées dans ces photorécepteurs. Alors que les aspects comportementaux de la vision des couleurs des abeilles ont été explorés de manière intensive grâce à la facilité avec laquelle les butineuses en vol libre peuvent être entraînées à des stimuli visuels associés à une solution de saccharose, les fondements moléculaires de cette capacité ont été à peine explorés. Afin de combler ce vide, nous avons développé des études qui vont de l’exploration des propriétés des opsines aux analyses de changements de l’expression des gènes dans le cerveau de l’abeille pendant l’apprentissage et la rétention des couleurs dans des protocoles contrôlés en laboratoire.

Dans un premier temps, nous avons caractérisé la distribution des opsines dans le système visuel des abeilles mellifères, en nous concentrant sur deux types d’opsines sensibles maximalement au vert (Amlop1 et Amlop2), dont l’une (Amlop2) a été découverte lors du séquençage du génome de l’abeille. Nous avons confirmé qu’Amlop1 est présent dans les ommatidies de l’œil composé mais pas dans les ocelles, tandis qu’Amlop2 est confiné aux ocelles. Nous avons développé une approche CRISPR/Cas9 pour déterminer les différences fonctionnelles entre ces deux opsines.  Nous avons créé avec succès des abeilles mutantes adultes Amlop1 et Amlop2 au moyen de la technologie CRISPR/Cas9 et nous avons également développé des mutants pour le gène white afin de contrôler l’efficacité de notre méthode. Nous avons testé les mutants générés dans un protocole de conditionnement dans lequel les abeilles apprennent à inhiber leur attraction à une lumière chromatique par son association à une punition choc électrique (protocole Icarus). Les mutants white et Amlop2 ont appris à inhiber l’attraction spontanée à la lumière bleue alors que les mutants Amlop1 n’ont pas réussi à le faire. Ces résultats indiquent que les réponses à la lumière bleue, qui est également détectée partiellement par les récepteurs verts, sont médiées principalement par des photorécepteurs contenant Amlop1, mais pas par le système ocellaire contenant Amlop2. En conséquence, 24 heures plus tard, les mutants white et Amlop2 ont montré une mémoire aversive pour la couleur punie qui était comparable à celle des abeilles témoins, mais les mutants Amlop1 n’ont montré aucune mémoire. Nous discutons à partir des performances de contrôles avec les yeux ou les ocelles recouverts par une peinture noire et interprétons nos résultats en fonction de l’utilisation de la vision chromatique ou achromatique via les yeux composés ou les ocelles, respectivement.

Finalement, nous avons analysé l’expression de gènes précoces (IEG) dans des zones spécifiques du cerveau de l’abeille suite à un apprentissage associatif de couleurs dans un environnement de réalité virtuelle (RV). Nous avons varié les degrés de liberté de cet environnement et soumis les abeilles à une RV 2D dans laquelle seuls les mouvements latéraux des stimuli étaient possibles et à une RV 3D qui procurait une sensation plus immersive. Nous avons analysé les niveaux d’expression relative de trois IEG (kakusei, Hr38 et Egr1) dans les calices des corps pédonculés, les lobes optiques et du reste le cerveau suite à l’apprentissage discriminatif de deux couleurs.  Dans la RV 3D, les abeilles apprenant la tâche ont montrant une régulation à la hausse d’Egr1 uniquement dans les calices des corps pédonculés, montraint ainsi une implication privilégiée de ces régions du cerveau dans l’apprentissage associatif des couleurs. Pourtant, dans la RV 2D; Egr1 a été régulé à la baisse dans les OL, tandis que Hr38 et kakusei ont été aussi régulés à la baisse dans les calices des corps pédonculés des abeilles ayant appris la tâche de discrimination.  Bien que les deux scénarios de RV pointent vers des activations spécifiques des calices des corps  pédonculés (et des circuits visuels dans la RV 2D), la différence dans le type d’expression détecté suggère que les différentes contraintes des deux types de RV peuvent conduire à différents types de phénomènes neuronaux. Alors que les scénarios de RV 3D permettant la navigation et l’apprentissage exploratoire peuvent conduire à une régulation à la hausse des IEGs, les scénarios de RV 2D dans lesquels les mouvements sont limités induiraient des niveaux plus élevés d’activité inhibitrice dans le cerveau de l’abeille. Cette thèse propose ainsi une série de nouvelles explorations du système visuel, y compris de nouvelles analyses fonctionnelles et le développement de nouvelles méthodes pour étudier la fonction des opsines, qui font progresser notre compréhension de la vision des abeilles mellifères et de leur apprentissage visuel.

Mots-clés : Vision, Apprentissage visuel, Abeille mellifère (Apis mellifera), Opsines, Photorécepteurs, CRISPR/Cas9, Inhibition de l’Attraction Chromatique, Réalité Virtuelle, Cerveau, Expression de précoces (IEGs), Corps Pédonculés, Lobes Optiques.

 

28 septembre 2022, 13h3017h00
IRIT (Institut de Recherche en Informatique de Toulouse)
Salle de conférence